Politiques du désordre (eBook)
198 Seiten
Books on Demand (Verlag)
978-2-322-47652-7 (ISBN)
Sem Nagas est autrice, artiste transdisciplinaire et militante dans les milieux décoloniaux, queers, féministes et anticapitalistes. Issue des quartiers populaires et de l'immigration nord-africaine, elle tisse des liens entre différents espaces radicaux et précaires afin de nourrir les résistances. Ses thématiques sont la transformation, les racines et la mycologie. Elle est l'autrice d'une série de zines "mutant.e.s" et éditrice de "queerasse".
EMBRASSER LE DÉSORDRE
« Personne ne quitte sa maison à moins que sa maison ne soit devenue la gueule d'un requin. (…) Il faut que tu comprennes que personne ne pousse ses enfants sur un bateau à moins que l'eau ne soit plus sûre que la terre ferme. (…) Personne ne choisit les camps de réfugié·e·s ou la prison ».
WARSAN SHIRE7
« Je suis une maudite Sauvagesse. Je suis très fière quand, aujourd’hui, je m’entends traiter de Sauvagesse. Quand j’entends le blanc prononcer ce mot, je comprends qu’il me redit sans cesse que je suis une vraie Indienne et que c’est moi la première à avoir vécu dans le bois... Or toute chose qui vit dans le bois correspond à la vie meilleure. Puisse le blanc me toujours traiter de Sauvagesse. »
AN ANTANE KAPESH
Écologie radicale
Écrire sur l’écologie politique en tant que personne marginalisée n’est pas une évidence. L’écologie comme beaucoup d’autres sujets est d’abord visible dans sa version occidentale, blanche et bourgeoise. Elle se présente alors comme une série de préjugés et de contraintes adressés à celleux qui sont désigné·e·s comme responsables de la pollution et du gaspillage des ressources : les classes populaires et les personnes racisé·e·s. Quant aux personnes queers et handies, elles sont qualifiées de contre-nature et sont exclues des discours sur le Vivant. Dans sa version étatique, l’écologie est fortement liée au domaine scientifique et impose des règles qui deviennent une nouvelle manière de définir le bon citoyen et le distinguer du sauvage. Dans les pays du Sud, la « protection de la nature » est un instrument colonial supplémentaire pour trier, expulser et exterminer les racisé·e·s. En surface, l’écologie est un truc de blancs relatif à leur besoin de tout contrôler sans jamais résoudre les problèmes qu’ils engendrent. Il nous faut donc nommer cette écologie qui stagne en surface sans régler les problèmes. Nous l’appellerons écologie des dominants, parce qu’elle émane des classes supérieures ; ou écologie du Nord, quand elle sert le marché global ; voire environnementalisme. L’environnementalisme témoigne d’un domaine qui continue le récit d’une nature « environnante », contrôlée par l’homme moderne et qui présente la nature comme un décor extérieur auquel les marginalisé·e·s sont tantôt assimilé·e·s, tantôt exclu·e·s.
En prenant des chemins de traverses, nous pouvons tracer les contours d’une écologie qui émane de positions marginalisées. Ce sont des bribes de pratiques et de théories que j’ai sélectionné et tissé ensemble pour partager la vision d’une écologie qui prend en compte des expériences politiques qui contredisent l’environnementalisme. Cette écologie est radicale d’abord parce qu’elle s’intéresse aux racines : les racines des oppressions, les racines liées à la survie et aux besoins vitaux, les racines des ancêtres, celles que nous plantons dans les lieux que nous habitons, celles qui nous permettent de puiser des forces, d’échanger et de grandir. Les racines font référence à la terre, au territoire, à la famille, à la communauté, au corps, mais aussi à ce qui est sous terre, ce qui est caché et influence notre équilibre, la psyché ou le subconscient.
L’écologie radicale traite de tous ces sujets afin de démanteler les normes culturelles et politiques qui influencent et construisent l’écologie, c’est-à-dire, notre rapport à la maison. Ces fondements structurels déterminent la façon dont nos sociétés s’organisent ainsi que le sens que nous donnons à notre expérience terrestre. Ces réflexions politiques traversent de nombreux mouvements radicaux : féministes, anticolonialistes, anarchistes et queers. C’est donc à partir de ces traditions de résistance, que j’envisage de tirer des fils pour tisser une écologie dont le but est la libération de toustes et la transformation des structures politiques.
La logique de ma maison est celle d'une enfant de la diaspora nord-africaine, d’une squatteuse, d’une semi-nomade en camionnette, d’une folle franco-indigène et d’une gouine. Mon habitat est précaire. Globalement, je ne représente pas une exception car la précarité est la norme pour beaucoup de terrestres depuis la révolution industrielle. Elle épuise, suce le sang et nourrit le désespoir. Elle empêche de vivre et nous force à la survie. La précarité est une intention politique qui nous rend vulnérable à l’exploitation. Elle coupe les liens entre les individus, retire le sol sous nos pieds et nous intoxique. J’envisage l’écologie radicale comme une ranimation de nos liens : avec nous-mêmes, avec nos adelphes et avec le reste du Vivant. La ranimation – dans le sens de redonner vie, reconnecter, rendre l’énergie et reprendre conscience – est un processus politique qui nous rend notre capacité de choisir, de décider et d’agir, en tant qu’individu comme en tant que collectif.
Quels sont les mécanismes qui ont mené au désastre ? La critique écologique des dominants rapporte que les activités humaines ont détruit une grande partie du monde naturel et instauré des déséquilibres structurels. Les relations entre la nature et les humain·e·s semblent conflictuelles. Pourtant, cette manière d’habiter notre maison est récente dans l’histoire de l’humanité. Les conceptions de la nature évoluent dans le temps et dans l’espace, plusieurs cœxistent, mais une vision domine dans les domaines politiques, scientifiques et économiques : celle héritée des croyances chrétiennes et de la perception scientifique des Lumières.
« Dieu les bénit, et Dieu leur dit: Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre »8.
Dans les dogmes abrahamiques, l'homme est au centre de la création et domine la nature. Dans la Bible, le dieu transcendant crée la nature et Jésus, son fils, la contrôle. Le monde vivant n’est alors qu'un décor pour l'existence des hommes.
Lors de la séparation de la religion et de l'état, cette conception de la nature ne disparaît pas, elle s’adapte au pouvoir séculier. L'idéologie au pouvoir s'ajuste aux besoins de marchandisation du système économique renforçant ainsi les croyances anthropocentriques tout au long de l'histoire du développement moderne.
On constate que, dès la seconde moitié du XVIIe siècle, en Europe et dans les colonies, l'élite des Lumières souhaite s'affranchir des contraintes du milieu naturel comme du destin dicté par dieu. L'existence humaine a un sens, une histoire, une trajectoire, celle du progrès et de la liberté : deux notions importantes de l'idéologie libérale. Le système capitaliste est mis en avant comme le système le mieux adapté à une société qui se veut moderne et libre. La science et l'état vont accompagner la société dans la concrétisation de ces valeurs.
La science de la fin du XIXe siècle va s'intéresser à la nature comme étant le domaine de tout ce qui est non-humain. Elle englobe ce qui existe de façon autonome, sans l'intervention humaine. La nature serait un tout distant, aux procédés mécanisés, organisé de façon hiérarchique. Vandana Shiva, activiste altermondialiste, appelle ce système « réductionnisme », car il « réduit des écosystèmes complexes à une seule composante et cette unique composante à une seule fonction»9. Cette vision répond aux besoins du capitalisme industriel et renvoie à une mécanisation des processus vivants. Elle fait partie intégrante de la construction des identités modernes où les individus sont classés par catégories et destinés à remplir des rôles précis dans la société.
« La nature, la société et le corps humain sont composés de pièces atomisées interchangeables qui peuvent être réparées ou remplacées de l'extérieur. La « solution...
| Erscheint lt. Verlag | 5.8.2024 |
|---|---|
| Sprache | französisch |
| Themenwelt | Technik |
| ISBN-10 | 2-322-47652-8 / 2322476528 |
| ISBN-13 | 978-2-322-47652-7 / 9782322476527 |
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