le silence du girafon (eBook)
258 Seiten
Books on Demand (Verlag)
978-2-322-64421-6 (ISBN)
Je m'appelle Cédric, j'ai 45 ans et je suis sourd. Toute ma vie, on m'a forcé à agir comme un entendant. On m'a privé de ma langue, la langue des signes et j'en porte encore les stigmates. A travers ce 1er cycle, je tente expliquer comment l'absence de communication peut détruire un être humain. Je vous invite a plonger dans mon monde pour mieux le comprendre.
B. Découverte de la surdité :
Ma naissance
Quand les premières contractions arrivent, ma mère fait appel à son « ami fidèle » afin qu'il reste à ses côtés jusqu'à la délivrance. Ayant son permis, il pouvait la conduire à l’hôpital, Hervé ne l'ayant pas et étant au travail ce jour-là.
Je suis né en 1977 à la clinique du Fief Grimoire à Poitiers et l’accouchement s’est bien passé.
Un bébé lambda bouge et réagit aux stimuli sonores de son environnement. Ma mère se rend compte qu'en passant l’aspirateur, je ne réagis pas. Au début, elle ne s’inquiète pas, et trouve même qu’elle a de la chance que je dorme aussi profondément – pas comme ces bébés qui pleurent à longueur de journée et de nuit. Mais peu à peu, elle remarque que je souris toujours, que je ne pleure que pour manger, elle prend soin de ne pas parler trop fort, mais je ne me comporte pas comme les autres bébés. Au travail, elle échange beaucoup avec ses collègues déjà mères (époque du baby-boom) et ce qu’elles rapportent ne ressemble pas à ce que vit ma mère avec moi. Rien ne pouvait troubler mon sommeil, pas même les bruits de vaisselle. Ma mère pressent quelque chose. Pour en avoir le cœur net et faire réagir ce bébé si sage, elle frappe une cuillère en bois et une casserole en acier l’une contre l’autre. D’abord doucement, puis en l’absence de réaction, de plus en plus fort. Les larmes envahirent ses yeux, un vrai choc. Le lendemain, elle renouvelle l’expérience sonore pour être sûre qu’elle n’a pas rêvé. De toute évidence ce bébé n’entend pas.
Qu’a cet enfant ? Les oreilles bouchées ou un autre souci ? Il est préférable de consulter un médecin pour avis médical. L’hôpital procède à une batterie de tests, le verdict tombe : il est bien sourd.
Ma mère ne m’a rien raconté de plus sur cet épisode. Mais cela a réveillé en moi des souvenirs revenus par flash.
Ma petite enfance
Elle dut mettre tout le monde au courant de ma surdité… Tout le monde, non ! Seulement mes grands-parents. Hervé l’accuse d’en être responsable. Que fallait-il faire ? Je devine aisément le discours que les docteurs ont tenu à ma mère : priorité à l’oralisation (me faire parler). Il n’était pas question que j’apprenne la langue des signes. Il était aussi hors de question de remettre en cause les injonctions du corps médical. Il a été proposé à ma mère que je me fasse implanter (implant cochléaire) ou que je sois appareillé (appareil auditif). L’implant était très tendance à ce moment-là, les médias en parlaient, la technologie se développait et l’implant était « la solution » pour rendre l’ouïe aux sourds. Face aux discours des médecins, ma mère s’imaginait que ces solutions étaient miraculeuses. Et quelle promesse rassurante de savoir que son fils pourrait apprendre à parler avec l’aide d’un appareillage… Mais au plus profond d’elle,alors que le baby blues l'envahit, elle est désorientée, difficile pour elle d’accepter, elle perd pied… Sa relation avec Hervé se détériore. Heureusement, son « ami fidèle » est toujours là pour l’épauler ; se confiant à lui, il est présent dans les moments durs et la soutient.
Ayant déjà vécu un « abandon » suite au décès de sa mère, elle en vit un second avec les accusations de Hervé. Alors quoi de plus logique que de rejeter l’enfant à l’origine de ses problèmes. Elle ne se sent pas capable de s’en occuper. Et puis, quel avenir pour un bébé sourd ? Le sentiment de culpabilité est profond et tous la tiennent pour responsable.
Le médecin l'oriente vers l'IRJS (Institut régional des jeunes sourds) avec une section dédiée aux différents tests auditifs préalables à l’appareillage. Les tests ont pour but de déterminer la possibilité ou pas d’appareiller (tests divers pour mesurer les aptitudes cognitives dès le premier âge). Ceux-ci étant concluants, donc j’étais appareillable, alors je pouvais forcément oraliser ! On me donne la possibilité d’intégrer une section au sein de l’IRJS, mais ma mère préfère que j’aille dans une école « normale ». Le choix de l’école maternelle près de la maison s’est fait pour des raisons de praticité. Ou peut-être que ma mère avait honte que je sois scolarisé dans un établissement pour sourds.
Elle accepte que je sois appareillé et pour cela paie une somme considérable. À l’époque, la Sécurité Sociale ne reconnaissant pas ce type de frais ne rembourse pas. Alors ma mère préfère que j’apprenne à oraliser, pensant que cet appareillage m’aiderait à parler et qu’il était la panacée. En fait, les médecins très intéressés par l’argent facile lui avaient tenu de beaux discours et l’avaient totalement bernée, abusant de sa confiance. Elle n’était évidemment pas au courant des difficultés qui l’attendaient.
À cette même période, ma mère se rend compte que ça ne va plus avec Hervé. Il multiplie les fêtes, reste souvent tard au travail, et ne s’occupe pas de moi. C’est elle qui endosse tous les rôles, « mère au foyer » tout en continuant à travailler chez Sat. S'occupant de moi de manière presque robotique, la mélancolie la gagne.
Petit, je pensais que j’étais comme ma mère, ce qui semblait logique puisque je n’avais pas encore découvert le monde extérieur. Elle savait déjà pour ma surdité, mais l’absence de communication entre elle et moi me faisait vivre dans l’ignorance. On sait que la construction du langage se fait par imprégnation de la voix dès le plus jeune âge. Je n’ai jamais rien eu de tout ça. J’avais le minimum vital, pour le reste, c’était un grand vide. Le décalage et le retard d’apprentissage commençaient à poindre. Ma mère ne me donnait que le strict minimum d’affection. Elle estimait que l’école suffirait pour mon éducation. Elle ne prenait jamais le temps d’expliquer, ne m’a jamais guidé, jamais sensibilisé, jamais informé... Pourtant, les sourds sont capables de beaucoup de choses… À l’époque, dans les années 70/80, on ne valorisait pas les enfants comme on le fait aujourd’hui. On n’informait pas beaucoup non plus. Les années 2000 sont totalement à l’opposé.
Sur cette photo, on voit très nettement que ma mère est triste. Elle n’est pas fière de son fils, elle est pourtant obligée de s’en occuper. Était-elle prête à être maman ? Elle n’avait pas eu le choix. Hervé l’avait abandonnée à son destin et il passait le plus clair de son temps au travail et ailleurs.
Souvenirs de l’IRJS : j’aimais beaucoup les sensations que me procuraient les vibrations des percussions. J’aimais le xylophone et le tam-tam.
Mare de sang dans le lit de ma mère – naissance d’Aurélien
Les souvenirs se fabriquent dès le plus jeune âge et ils restent gravés dans notre mémoire de manière différente selon si l’on est entendant ou sourd. Sourd de naissance, mes premiers souvenirs en images sont arrivés très tôt. J’ai été terriblement marqué par l’image du sang dans le lit de ma mère. Je m’en rappelle parfaitement, je n’avais que trois ans et pourtant, ce sang rouge fut l’un de mes premiers souvenirs.
Une nuit, je fus réveillé par la lumière qui fuitait sous la porte de ma chambre. Je pensais que c’était le matin, alors je me suis levé. Quand j’ai ouvert la porte, j’ai vu une mare de sang sur le lit de mes parents. Et puis tout est allé très vite ; on m’a écarté pour que je ne voie rien (trop tard). Hervé téléphonait (aux pompiers), ma mère tentait de se mettre debout avec son aide… et mon grand-père arrivait pour m’emmener chez lui.
Je ne comprenais rien, je n’entendais rien mais j’imaginais plein de choses. Maman s’était-elle blessée ? Elle saignait, comme moi quand j’étais tombé et que j’avais un bobo aux genoux… Mais elle devait avoir un très gros bobo vu l’étendue de la tache de...
| Erscheint lt. Verlag | 27.3.2025 |
|---|---|
| Sprache | französisch |
| Themenwelt | Sozialwissenschaften ► Politik / Verwaltung |
| ISBN-10 | 2-322-64421-8 / 2322644218 |
| ISBN-13 | 978-2-322-64421-6 / 9782322644216 |
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